Curve



Groupe à part dans le petit monde de la pop britannique, les Londoniens de Curve ont su, bien avant tout le monde, mélanger rythmes mécaniques, groove hip-hop et guitares aériennes. Précurseurs ignorés mais pas envieux, leur retour sur le devant de la scène pourrait bien être celui de la victoire. 1998 sera-t-elle l'année Curve ?

Pourquoi êtes-vous restés silencieux depuis si longtemps ? Votre dernier album remonte à 1993.

Toni Halliday : Eh bien, nous avons voulu passer à autre chose, chacun de notre côté. Dans l'intervalle, Dean a travaillé pour la télé et j'ai monté un nouveau groupe, Scylla, qui s'est séparé depuis. Tu sais, c'est assez épuisant, tout ce cirque de promotion et de tournées et au bout d'un moment, tu ne penses plus qu'à arrêter. C'est pour cela que nous avons fait une pause assez longue, pour retrouver l'envie de continuer. Et quand le besoin est revenu, nous nous sommes remis au travail ensemble.

Ne trouves-tu pas bizarre que votre retour se fasse par le biais d'un succès massif dû à une publicité ?
Non, cela ne nous étonne pas vraiment. En fait, dès que le morceau a été terminé, nous avons trouvé qu'il était sacrément bon, quelque chose comme, tu sais : "Cette fois-ci, ça y est". Chinese burn était à l'arrivée exactement comme nous le voulions et nous avons apprécié qu'il figure dans une publicité comme celle de Sony, qui est plutôt réussie. Mais nous ne l'avons pas fait pour, nous n'avons d'ailleurs rien fait qui soit différent de ce que nous faisons habituellement. Peut-être était-ce le bon moment... Si maintenant, de plus en plus de monde travaille dans le même registre que nous, cela prouve finalement que nous n'étions pas complètement dingues, ce dont j'ai quelquefois sérieusement douté (rires).

Comment en êtes-vous venus à mélanger des éléments rock et techno ?
C'est quelque chose que nous avons toujours fait. Si tu écoutes nos albums précédents, tu y trouveras cette même mixture d'éléments rock et de beats techno ou hip-hop. L'évidence est que nous avons toujours aimé ces rythmes, cet usage des machines et qu'à côté de cela, nous sommes incapables de nous passer des guitares.

Ne penses-tu pas que vous avez inspiré certains groupes qui ont aujourd'hui un succès mondial ?
Tu penses à Garbage (rires) ? Tout le monde nous le dit. En fait, je suis plutôt contente pour eux, mais ils sont assis sur un siège sur lequel je n'aimerais pas être. Leur premier album était bon, mais tellement commercial... C'est quelque chose que nous n'aurions jamais réussi à faire, même si nous l'avions voulu. Et Dieu sait que nous ne le voulions pas (rires). Pour le second, ils ont dû faire face à une pression terrible, avec toutes les attentes placées en eux. S'ils refont la même chose, ils courent le risque de se planter, et s'ils font autre chose, ils risquent de se planter aussi. Tu peux t'imaginer l'enfer dans lequel ils doivent être. Toujours est-il que je ne pense pas qu'ils nous aient spoliés d'un succès qui aurait dû nous appartenir. Ils étaient là au bon moment et au bon endroit, avec le son qu'il fallait, une bonne attitude et une bonne image. Nous, nous étions là trop tôt et surtout, nous sommes beaucoup trop "têtes de cons" (rires).




par Jean-François Micard / Photo : DR


(La suite est dans le no 29 de Prémonition...)

Curve - Autechre