Orbital



Si, de prime abord, les frères Hartnoll ne défendent aucune théorie particulière quant à leur musique, il faut bien reconnaître que la techno d'Orbital illustre parfaitement les nouveaux rapports que peuvent entretenir aujourd'hui les machines et l'homme, qui ne les comprend plus forcément et ne les maîtrise qu'à moitié, se laissant dériver et porter par elles.
On imagine alors aisément les deux frangins d'Orbital restant des heures enfermés dans leur studio à improviser, se laissant parfois même guider par leur équipement électronique.
Au final, "In sides", leur quatrième album, réussit l'exploit de pousser la techno encore plus loin, du côté de chez Ennio Morricone et John Barry.

Phil Hartnoll : Nous ne cherchons rien de particulier, nous utilisons juste la musique comme un simple moyen d'expression. Dans son écriture, notre musique se rapproche du jazz et de ses improvisations, même si au final, elle n'y ressemble pas du tout. Notre attitude est similaire à celle des jazzmen.

Sur vos deux derniers albums, vous vous écartez des schémas classiques de la techno.
Je suis d'accord pour dire que nos deux derniers disques sont différents. Jusqu'alors, notre musique était sombre, même "Snivilisation" possède des aspects sinistres. Nous avons cherché à mettre plus de couleurs sur le dernier album, mais quoi que l'on fasse, notre musique reste toujours un peu triste et émotionnelle. Cela s'explique en partie par le fait que nous utilisons toujours beaucoup de sons d'instruments à cordes, comme dans les bandes originales de films.

Comment vous est venue l'idée d' "In sides" ?
Nous souhaitions au départ enregistrer un disque joyeux avec de petites chansons courtes, de quatre à cinq minutes, mais nous n'y sommes pas arrivés. L'année dernière, l'un de nos amis est mort, un autre a été interné en hôpital psychiatrique et tout cela peu avant Noël, alors que nous allions démarrer l'enregistrement de l'album. Devant ces situations, nous avions davantage envie d'exprimer ce que nous ressentons réellement. C'était un réflexe.

L'année dernière, vous avez lancé un concours de remixes sur Internet en mettant en accès libre sur le réseau les pistes de votre morceau Crash and carry. Qu'est devenu ce projet ?
C'était l'idée de notre label américain. Une centaine de cassettes lui ont été envoyées, dont elle souhaitait extraire les dix meilleures sous forme de compilation, sans nous consulter sur le choix des lauréats. Nous avons donc refusé, dommage car l'idée était intéressante. Mais c'est une honte que cette maison de disques ait négligé de nous envoyer ces cassettes. Je déteste commencer un projet et ne pas pouvoir lui donner fin.

Avec Underworld, Prodigy ou 808 State, vous êtes l'un des rares groupes à avoir donné un visage à la techno.
Prodigy possède une image très forte, ils sont un peu comme Earth, Wind and Fire, ils changent sans arrêt de costumes... Maintenant avec Firestarter, ils bénéficient même d'un chanteur. Il n'y a plus grand chose de techno là-dedans, cela se rapproche du heavy metal. Ils me rappellent ce fameux duo Run DMC / Aerosmith... La techno devient de plus en plus populaire et cela fait déjà pas mal de temps que nous existons, il est logique que nous nous retrouvions en photo dans la presse et cela nous importe peu. Je considère qu'il y a une part de curiosité naturelle à vouloir coller à tout prix un visage sur une musique, qui s'avère extrême chez les Américains, qui ne comprennent absolument pas pourquoi nous refusons de mettre notre photo sur nos pochettes de disques.

Vous semblez privilégier les tournées dans le circuit des salles rock plutôt que dans les raves.
Il est vrai que nous préférons tourner comme un groupe de rock classique, car nous essayons de nous adresser à un public plus large que celui qui fréquente les raves. Les concerts ne finissent pas trop tard, les gens peuvent rentrer avant minuit et aller travailler le lendemain. Notre musique ne colle pas vraiment à l'univers des raves, elle s'écoute plus aisément qu'elle ne se danse.




par Quentin Groslier



Juniper - Orbital