Ian Brown



Le plus lassant, dans la pop anglaise de ces dernières années, était probablement cette forme d'arrogance qui faisait que chacun, armé d'un bon look sympathique, de deux ou trois phrases bien senties pour le N.M.E. et de quelques références pointues en musicologie, pouvait s'improviser comme l'ultime porteur du flambeau. Restait alors le chef-d'oeuvre promis, souvent vite dégonflé comme un soufflé qui sort du four, parfois intéressant mais vite oublié au profit du chef-d'oeuvre de la saison suivante.
Heureusement ces derniers temps, la modestie et la simplicité sont plutôt de mise, le goût de pratiquer sans esbroufe la musique -voire même pour le plaisir- semble revenir.
Ian Brown, ex-leader des Stone Roses, est lui aussi de retour avec "Unfinished monkey business", un premier album solo étonnamment sobre, pas franchement très académique comme cela aurait pu être à craindre.

L'entretien débute d'ailleurs par un léger malentendu. Avec sincérité, je lui déclare que j'ai vraiment été très agréablement surpris par son disque, sur quoi Ian Brown me répond par une question plutôt embarrassante, "Pourquoi ? Tu n'en attendais pas grand chose ?". À vrai dire, oui, je n'en espérais pas grand chose et cela peut se justifier : les bons disques des rescapés de la fiesta Madchester se comptent sur les doigts d'une main.
Grandes gueules arrogantes de la fin des années 80, les Stone Roses ne sont jamais vraiment parvenus à donner une suite crédible à leur parfait premier album éponyme qui, comme par magie, avait le don de ressortir de vieilles ritournelles sixties sans l'odeur désagréable de la naphtaline. Les Stone Roses ont su surtout exceller dans l'art de faire illusion. Il leur suffisait de ce seul (très) bon album pour prétendre soudain au titre de meilleur groupe pop du monde. Puis vint le deuxième album fourre tout, inégal et traficoté en tout sens et nos quatre enfants terribles de Manchester se proclamèrent les plus géniaux expérimentateurs pop de l'Angleterre. La séparation nécessaire ne pouvait alors plus nous réserver de grande surprise : Mani le bassiste s'en est allé, en toute logique, flirter avec Primal Scream ; John Squire en profita pour former le groupe qui donnerait corps à son ambition démesurée (The Seahorses) ; Reni, le batteur, cessa de porter un bob pour donner dans la coupe Jackson Five. Il nous reste donc le chanteur ; Ian Brown était peut-être une belle marionnette sur le devant de la scène, mais rien ne laissait supposer qu'il pouvait aussi tirer les ficelles en studio. Le solo est alors le moyen de faire passer toute cette musique qu'il porte en lui, histoire aussi de faire ses propres raccourcis, de l'électro-funk à Buddy Guy en passant par le reggae ou le rap.

Ton album s'avère très éclectique. Te sentais-tu frustré au sein d'un groupe tel que les Stone Roses ?

Oui, parfois, essentiellement vers la fin d'ailleurs. John Squire voulait toujours travailler les morceaux seul dans son coin. Alors je me suis procuré une guitare acoustique et j'ai appris seul à jouer en m'aidant d'une partition de Bob Marley et une autre de blues.

Votre musique semblait s'être étoffée sur le deuxième album, votre champ d'influences paraissait beaucoup plus large.
Originellement, les Stone Roses possédaient ce côté groove, celui-ci était à la base de notre musique. Cela avait véritablement démarré avec le maxi "Fools gold". Nous avions enregistré ce disque pour rigoler. John était en réalité un peu gêné de jouer ce style plus funky. Il était plutôt attiré par les guitar-heroes et tous ces clichés ennuyeux. Pourtant, cette période était probablement la meilleure pour les Stone Roses. Notre musique était alors fraîche et neuve. Elle est par la suite tombée dans un rock plus traditionnel...

Parfois, ta musique possède un côté "cheap" dans la production.
Ma musique garde un côté simple. Toutes les chansons sont issues de lignes de basse, ou de la pratique de la guitare et du synthé. J'ai surtout beaucoup appris après avoir fréquenté pendant près de dix années les studios.J'aime surtout collaborer avec d'autres musiciens. Mes relations avec Mani et Reni n'ont d'ailleurs pas changé sur ce point depuis qu'ils ont quitté les Stone Roses. Récemment, nous nous sommes encore retrouvés et avons joué six ou sept heures d'affilée. Il y a peu de temps, j'ai enregistré un morceau avec DJ Shadow, un autre avec 808 State. Je vais aussi probablement travailler avec Radiohead et Finley Quaye. Il est même enfin question que je chante en espagnol pour une amie musicienne qui est mexicaine. J'adore la musique mexicaine.

Que penses-tu de ces groupes qui ont été influencés par les Stone Roses ?
Beaucoup de ces groupes n'ont pas retenu ce qu'il y avait de groove chez les Stone Roses. Ils ont surtout apprécié le style de mélodies sixties que nous employions sur notre premier album, ils ont aussi beaucoup aimé notre force, notre unité, le fait que nous soyons tous très confiants, que nous croyions en notre groupe. Mais je ne retrouve pas chez eux ces rythmes, ils ne me touchent pas vraiment.




par Quentin Groslier / Photo : Stéphane Burlot



Ian Brown - Tortoise - Yann Tiersen - The Nits