Autechre



Depuis 1993, les deux Anglais d'Autechre continuent d'exploiter toutes les ressources de leurs machines, façonnant une série d'albums que nous n'avons pas fini d'explorer."Lp5", la nouvelle excursion proposée par Sean Booth et Rob Brown, suit les chemins d'une musique mélodieuse, brute, mais toujours instable où rien ne domine, où toutes les sonorités se sont enchevêtrées pour donner forme à des tissus électroniques uniques.
Autechre parvient ici à parfaire ses techniques de brouillage, rendant sa musique insaisissable et parfaitement affranchie des lois.

Au fil des ans, votre musique n'a pas cessé d'évoluer. Cherchez-vous quelque chose en particulier ?

Sean Booth : Il ne s'agit pas pour nous d'une recherche. Nous enregistrons des morceaux comme ils viennent, jour après jour.
Rob Brown : Nous cherchons seulement à en tirer de la satisfaction. Cela ne s'explique pas vraiment.


Vous ne donnez pas l'impression de composer en vue de disques particuliers.
Rob : En effet, pour nous il s'agit du processus le plus naturel pour composer de la musique. Nous ne voulons pas que celle-ci soit déterminée par des influences extérieures.
Sean : Quand tu commences à travailler une musique en vue de la sortie d'un disque, il y a comme un problème. Il nous arrive parfois de composer des musiques pour des amis. Un peu à la manière du hip-hop, où les morceaux s'adressent souvent à des individus précis, nous nous adressons à quelqu'un que nous connaissons très bien, nous nous moquons de lui. Il est plus facile de se limiter au portrait de quelqu'un dont on est proche que d'essayer de parler de l'harmonie dans la vie...Rob : Parfois, il peut être bon de s'imposer quelques restrictions.


Comment envisagez-vous les disques, en ce cas ?
Sean : Nos disques sont des compilations. Après un an de dur travail, nous nous retrouvons avec beaucoup de cassettes. Nous choisissons alors une dizaine de morceaux qui nous paraissent pouvoir s'associer ensemble. Nous laissons de côté les autres qui restent très souvent inédits.

Avez-vous besoin de temps pour analyser votre musique ?
Rob : Oui, nous gardons certains morceaux sous la main jusqu'à la fin de l'enregistrement d'un l'album, car c'est au dernier moment que sa composition se révèle, que nous comprenons quels sont les titres qui fonctionnent bien avec les autres. Nous apprécions ce moment précis, il nous apporte toujours des surprises.
Sean : C'est à ce moment que nous réalisons quelle sera la direction générale de l'album.


Depuis "Incunabula", votre premier album qui paraissait très inspiré par la techno de Detroit et par l'électro, votre musique évolue constamment et semble s'être affranchie de ces premières influences.
Rob : "Incunabula" est surtout à ce jour notre album le plus nu.
Sean : À l'époque du premier album, nous écoutions probablement 70 % de disques de dance. Maintenant, nous conservons toujours nos vieux disques de dance, il nous arrive parfois d'en acheter de nouveaux, mais ce style ne doit plus représenter que 20 % de nos acquisitions.


Qu'entendez-vous par "dance music" ?
Sean : C'est une appellation très ouverte. Un disque de dance est simplement un disque sur lequel on peut danser, par opposition à des musiques qui s'adressent davantage à l'esprit. Nous devenons plus vieux et il nous est plus facile maintenant de ne pas nous préoccuper de savoir à quels genres appartiennent les musiques que nous écoutons.




par Quentin Groslier / Photo : Stéphane Burlot


(La suite est dans le no 29 de Prémonition...)

Curve - Autechre