Diabologum



C'était écrit à la fin de leur premier album : "Je ne reviendrai jamais". Il aura fallu attendre le troisième pour que Diabologum suive sa pente -que l'on devinait abrupte- et choisisse le chemin difficile des groupes majeurs. Loin des douceurs narquoises du "Goût du jour", "# 3" autopsie le présent avec une vigueur et une crudité qui en rebuteront plus d'un. Étrange manifeste loquace et mutique, massif et somnolent, les épithètes pourraient être multipliés à l'envi à propos de ce "Dégoût du jour" constamment passionnant, mais l'on préférera l'entretien avec ses géniteurs pour détailler les entrailles poisseuses mais remplies de ce qui s'annonce déjà, tous genres confondus, comme l'un des grands albums de l'année.

"# 3" est un disque beaucoup plus compact que les deux premiers.
Richard (basse) : Il est vrai qu'il y a une réelle construction derrière ce disque.
Michel (chant, guitares, claviers) : Tous nos disques sont construits. Ce n'est pas un hasard si le "Goût du jour" se termine sur une reprise de Codeine. Chaque morceau a une place. Il y a un début, une suite et une fin. On compose, puis on arrange un ordre, on garde, on jette. Pour celui-là, nous en avons composé une vingtaine et retenu dix.
Richard : Au tout départ, chaque chanson a été construite pour elle-même et non dans un pré-schéma de l'album.


Il y a une grande rupture de ton entre "Le goût du jour" et "# 3".
Michel : C'était voulu. Pierre et Anne étant partis d'un commun accord, le son du groupe a changé. Den's, qui jouait un peu de batterie sur "Le goût du jour" est devenu un membre à part entière, Richard est arrivé. Musicalement, nous voulions aller vers quelque chose de plus dur, même si l'on ne renie pas nos disques précédents.
Richard : Il y a moins de "bidouillages" sur cet album que sur les précédents.
Arnaud (chant, guitare, claviers) : Il en reste, mais ce n'est pas du bidouillage gratuit.


De la neige en été, le premier morceau de "# 3", casse vraiment l'image que l'on pouvait avoir de Diabologum...
Michel : Peut-être. Il faut le voir comme un rêve éveillé, ou un cauchemar endormi.

Le paysage urbain désolé et cataclysmique est à mi-chemin entre l'atmosphère de "Diamond dogs" et celle des films de Sharunas Bartas...
Michel : Ça brûle dans le fond. Bowie, c'est peut-être inconscient, je ne sais pas. Quant à Bartas, je ne le connais pas, mais dans un film de Bunuel, "Cet obscur objet du désir", il y a une idée vachement bien : tout au long de cette histoire d'un homme pris entre deux femmes, des bombes explosent partout, on ne sait jamais pourquoi. Le type monte dans une voiture et une bombe pête au coin de la rue. Tout cela a été tourné à une époque où il y avait beaucoup d'attentats en Espagne, à la fin des années soixante-dix.

Diabologum, c'est une bombe qui explose ?
Michel : Peut-être, mais sans faire de bruit.

Dans De la neige en été, tu dis : "Ce qui est fait est fait, il est trop tard, il n'y a plus rien à faire". Est-ce un constat d'impuissance ou une invitation à se surpasser ?
Michel : Ce n'est pas un nouveau départ. C'est un point d'arrivée.




par Christophe Despaux / Photo : Philippe Mazzoni


(La suite est dans le no 25 de Prémonition...)
Diabologum - Einstürzende Neubauten - Throwing Muses