Throwing Muses
De changements d'effectif en déménagements de labels, les Throwing Muses ont connu mille visages, mais ont toujours et résolument pratiqué une seule musique. La sortie de "Limbo", album passe-partout, était une occasion comme une autre de faire un point d'orgue sur une carrière qui file en ligne droite depuis des années.
Dave Narcizo : Parfois, lorsque sort un nouvel album, il nous semble avoir réalisé des changements importants, et le public pense que ce n'est qu'un disque supplémentaire des Throwing Muses. Mais il est très important pour nous de maintenir une bonne part de ce que nous faisons d'habitude qui, je l'espère, forme un tout avec l'expérimentation. C'est difficile à expliquer, mais il y a une certaine qualité... organique.
Kristin Hersh: C'est presque inconscient. Nos morceaux nous semblent plus beaux quand ils ont de petits défauts, le son paraît plus immédiat. Polir le son est étonnamment subtil et sournois. Ce n'est pas à cela que la vraie musique ressemble, et pourtant il semble naturel de l'agrémenter d'un ou deux réglages spécifiques pour que tout soit plus lisse et propre. Cela ne nous intéresse pas du tout.
Vous deviez être très jeunes au moment de la sortie du premier album...
Kristin : Nous avions dix-neuf ans. Nous avions encore l'impression d'être à l'école, avec des adultes qui nous donnaient des ordres. Musicalement, nous faisions partie d'un groupe depuis nos quatorze ans, donc de notre point de vue, le premier album est sorti très tard, nous l'avons attendu longtemps. Nous avions plein de démos qui nous semblaient être des disques potentiels, mais elles sont toutes restées à ce stade, et c'est très bien ainsi.
Crois-tu qu'attendre cinq ans avant d'enregistrer un album vous a aidés à atteindre cette densité et cette gravité ?
Kristin : Ivo voulait un album grave, donc nous avons laissé de côté toutes nos belles chansons, pour ne garder que les plus effrayantes. Pour ce qui nous concerne, nous les trouvions complètement à côté de la plaque, nous pensions que ce disque allait faire horriblement peur à notre public.
Étiez-vous déçus par cette sélection ?
Dave : De notre point de vue, venant des États-Unis, nous savions qu'il était très important de ne pas être perçus comme des artistes excentriques et prétentieux, de ne pas être mélodramatiques. Là-bas, les gens ne font pas confiance à ce style autant qu'en Europe. Il est sûr qu'en Angleterre, la prétention est autorisée, elle est même encouragée. À l'époque, nous voulions plutôt paraître drôles et maladroits, mais les Anglais ont décidé de supprimer complètement cet aspect.
Kristin : Ils ont aussi mixé l'album "à l'anglaise". C'était la première fois que nous assistions au mixage. En fait, Dave était seul. Il a dû se battre, mais a perdu sur tous les fronts.
Dave : Enfin, j'ai quand même un peu gagné par rapport à ce que cela aurait pu devenir. Quand je suis arrivé au studio, j'ai découvert notamment un arrangement d'instruments à cordes, sur Hate my way, qui n'avait même pas été enregistré en notre présence. Mon estomac s'est noué et j'ai dû me batailler inlassablement pour que la chanson redevienne comme avant.
Kristin : Nous étions un groupe très vivant et dur à l'époque, et sur ce disque nous sommes attentionnés, surproduits.
par Noémie et Matt Hansen / Photo : Philippe Mazzoni
(La suite est dans le no 25 de Prémonition...)
Diabologum - Einstürzende Neubauten - Throwing Muses